LE TEMPLE DE PAMPROUX

Notre assemblée générale 2022 s'est déroulée au temple de Pamproux ; l'occasion pour notre ami Michel Chauvet de nous en conter  l'histoire  : 


 

Le temple de Pamproux (79)

            Le temple est évidemment le lieu de culte de la communauté protestante locale où se déroulent aussi les cérémonies de baptême, mariage ou enterrement. Mais pour les populations catholiques ou non pratiquantes de Pamproux et des environs, il est aussi devenu un lieu familier depuis plusieurs décennies. Il a fait l’objet de restaurations dans les années 1990 et vers 2005. Il offre ainsi un vaste volume doté d’un bel éclairage naturel et artificiel pour accueillir des expositions notamment.

La construction du temple

            La construction du temple de Pamproux s’est faite au 19e siècle dans la durée, et non sans peine, sans doute à l’image de ce qu’elle fut dans bien des communes du Poitou protestant. En 1821, sous Louis XVIII, l’État décide d’accorder une subvention de 20 000 fr. pour la construction des temples en Deux-Sèvres ; 3000 fr. sont destinés à celui de Pamproux dont la population totale est d’environ 2400 habitants pour 1500 protestants en 1829 (Dez, pré-inventaire Drac). Un devis de 16000 fr. est établi en ce sens. Mais faute de moyens, le projet reste sans suite. En 1831, sous Louis-Philippe, un nouveau devis « à l’économie » est proposé pour lequel l’état accorde une nouvelle aide de 6000 fr. qui s’ajoutent aux 3000 fr. précédents, rendant le projet envisageable.  Le choix de l’emplacement, après diverses propositions rejetées, se porte sur la parcelle qu’il occupe aujourd’hui, alors dépendance du jardin de la cure ! Pendant 5 ans, les catholiques, minoritaires, et à leur tête, le curé, vont contester ce choix jugé scandaleux, appuyés par l’intervention de l’évêque dans des échanges de courrier triangulaires avec le préfet et l’architecte … Il faut une ordonnance royale du 28 novembre 1836 pour mettre fin aux contestations du curé. Le gros œuvre est achevé en 1837-1838. L’inauguration a lieu en 1839, après 19 ans d’attente ! Mais il manque encore un dallage, un plafond lambrissé, un tambour à l’entrée du temple, une chaire et une sacristie, désignés dans un devis de 1843. En 1851, seule la chaire est réalisée ; l’année suivante, un plafond plat et une tribune complètent les travaux de menuiserie.

Les premiers clichés du début du 20e siècle montrent sa silhouette massive, sobre voire austère, à la mesure des modestes moyens engagés, le cartouche du fronton portant la date de « 1838 ».

Fig. 1 : Mariage d’Edouard Cadier frère de George Cadier (co-fondateur de la Fraternité) et Laurence Julien, le 25 mars 1913.

 

Le temple et la mairie

Fig. 2 : Le temple et la mairie avant 1922. Entre la mairie-école et le temple, on apercçoit l’enclos arboré  désigné sous le nom de  charmille de la cure, objet de tant de contestations.

 

            Le temple est à peine achevé que la municipalité entreprend de construire une école-mairie à proximité, qui empiètera à son tour sur le terrain de la cure, mais sans opposition du curé, la construction du temple faisant jurisprudence. L'adjudication des travaux a lieu le 11 décembre 1842. Les travaux débutent en mars 1843 quand le maire prend, sans concertation, l'initiative malheureuse de vouloir déplacer l’emplacement projeté du bâtiment provoquant une polémique durable : les conseillers municipaux protestants joignent leur voix à la protestation du pasteur Gibaud qui juge la disposition modifiée préjudiciable au temple tout proche, tandis que le maire et son adjoint ont l'appui de quatre conseillers catholiques, qui sont aussi membres du conseil de fabrique. Le curé Neveu et l'évêque s'en mêlent ; la presse s'empare du sujet et se fait l'écho de cette polémique qui dure deux mois, tandis que l'arrêt des travaux occasionne un préjudice à l'entrepreneur. Le 13 avril 1843 le préfet demande la démission du maire et de son adjoint qu’il obtient le 24. Les travaux reprendront selon le plan initial suscitant de la part du parti catholique une lettre d'amertume envers la décision préfectorale et de rancœur envers le consistoire en faisant allusion à la spoliation subie par la cure en 1836 nécessaire à la construction du temple. La construction de la mairie-école reprend en juillet 1843 et s’achève en décembre 1844.

 

Effondrement du fronton et reconstruction

            Les cartes postales du début du 20e siècle (voir ci-dessus) révèlent la présence de lézardes le long du chaînage droit de la façade, manifestement dues à un vice de construction et signe avant coureur d’un écroulement qui se produira le vendredi 29 décembre 1922 au matin « Les énormes blocs composant les deux corniches inclinées du fronton s’abattirent sur le sol [...], entraînant avec eux la plus grande partie du tympan, tout le haut du pignon. » selon  La Fraternité du 13/01/23. Un an plus tard, le temple est réparé et rendu au culte pour Noël 1923. Mais le fronton n’est pas rétabli. Lors de cette restauration, et par précaution, les murs ont été soulagés du poids et de la poussée latérale de la charpente par 4 piliers en fonte encore visibles en 1973.

Fig. 3 : Le temple en 1973 – Le mur pignon sud et l’escalier d’entrée @service de l’Inventaire

Fig. 4 : Le temple en 1973 – mur pignon nord avec son fronton  et la sacritie @service de l’Inventaire

Fig. 5 : Le temple en 1973 – intérieur. @service de l’Inventaire – Les 4 piliers en fonte situés dans l’allée centrale ont été démontés depuis. Le plafond plat est lambrissé

 

Le temple, un lieu de manifestations festives et culturelles

            Les escaliers de l’entrée du temple et l’espace dégagé qui le précède se prêtent tout  particulièrement à la photographie de groupes. Quant à l’intérieur il a fait l’objet de travaux d’entretien et de restauration rendant l’espace propice à expositions annuelles et parfois des  concerts.

            * La photo de groupe de 1944

            En août 1944, les armées d’occupation allemandes quittent la région pour tenter de contenir les armées anglo-américaines débarquées en Normandie. La libération est fêtée par un  défilé à l’image des noces villageoises d’antan. De rares photos montrent le cortège descendant  l’avenue de la gare pavoisée où flottent des drapeaux anglais et américains et de la France libre, puis rejoint les gradins de l’escalier du temple pour une photo immortalisant l’évènement. 154 personnes y sont dénombrées et presque toutes identifiées après un minutieux travail d’enquête entrepris il y a 15 ans.

Fig. 6 : Le cortège de la noce villageoise se rendant au temple pour la photo.

 

Fig. 7 : « La noce villageoise » devant le temple

 

            * Le Festival des Vendanges (1989 – aujourd’hui)

            Depuis 1989, chaque année, la commune s’anime lors du Festival des Vendanges durant une semaine à la mi-octobre et c’est au temple que se déroule traditionnellement la cérémonie d’ouverture de cet évènement festif où le public peut en outre découvrir une exposition d’arts plastiques.

Fig. 8 : Programme du Festival des Vendanges de 1993

Fig. 9 : Expositon du Festival des Vendanges 2014 – On devine au sol l’emplacement de 3 des 4 piliers en fonte. Les deux tableaux de part et d’autre de la chaire masquent deux plaques commératives des morts de la Grande Guerre  (voir fig. 10).

 

 

 

            * Les Journées Européennes du Patrimoine (JEP)

            La section Histoire et Patrimoine « H&P » de la SEP de Pamproux créée en 2007 s’attache à concevoir une exposition tous les 2 ans ouverte lors des Journées Européennes du Patrimoine. Les trois premières, en 2009, 2011 et 2013 ont été présentées au public dans le temple de Pamproux. La première en 2009 évoquait l’école primaire à Pamproux ; celle de 2011, les commerces et l’artisanat au 20ème siècle, pour la plupart aujourd’hui disparus ; celle de 2013, les fêtes et spectacles en salle et en plein air.

Fig. 10 : Exposition JEP 2011 : Commerces et artisanat à Pamproux au 20e siècle

 

            En 2015, l’exposition consacrée à la Grande Guerre délaisse le temple et inaugure un nouvel espace, « la Maison des Associations », issue de la réhabilitation de l’ancienne salle des fête, délaissée depuis l’ouverture de l’espace culturel en 1994… La préparation de cette exposition avait donné lieu à la recherche de quelques rares sépultures de soldats inhumés ou ré-inhumés localement au cimetière communal ou dans les cimetières familiaux repérés et inventoriés en 1998 - 1999.

Fig. 11 : Cimetière communal  - sépulture de Narcisse Griffier « Mort pour la France - 23 spetembre 1917 »

Fig. 12 : Cimetière familial à Narbonneau de Pamproux  – sépulture d’ Alexandre Lemberton  « décédé le 14 février 1921 des suites de maladies contractées aux Armées dans sa 22ème année »

 

            Au temple, deux plaques de marbre noir  fixées au mur de part et d’autre de la chaire, rappellent le souvenir du sacrifice des soldats durant la Grande Guerre, masquées fig. 9 et visibles fig. 10. « Dimanche 22 août,  cérémonie d’inauguration de deux plaques en marbre noir … sur lesquelles sont gravées les noms des 58 victimes de la guerre dont les familles protestantes ont demandé l’inscription .. » - La cérémonie est relatée dans La Fraternité du 28/08/1920 au cours de laquelle sont cités les noms des 94 victimes de la commune gravés sur le monument aux morts de Pamproux….

 

 

(Ce dernier paragraphe se voulait une introduction à l’AG !)

Michel Chauvet - 13/05/22

 

 

Sources documentaires

* Théodore Maillard (1847-1923), éminent historien du protestantisme poitevin, pasteur à Pamproux de 1883 à 1907.

* George Cadier (1874-1952) cofondateur et rédacteur en chef de «La Fraternité » (1904-1942) qui deviendra « La Concorde » (1946-actuel)

* Dossier DRAC du Service de l’Inventaire – commune de Pamproux (79)

* CHAUVET Michel : La construction du temple de Pamproux en 1839. Bulletin municipal de Pamproux, 2007, p.28-29.

Cérémonie décrite par le pasteur Théodore Maillard, (vue [1] :) Mariage de (vue [2] : Mariage Cadier) ; et révèlent la présence d’inquiétantes fissures le long du chaînage latéral droit de la façade ( vue [3]), signe avant coureur d’un écroulement qui se produira le vendredi 29 décembre 1922 avant 7 heures du matin) (La Fraternité du 13/01/23)  ( vue [4]) « Les énormes blocs composant les deux corniches inclinées du fronton s’abattirent sur le sol [...], entraînant avec eux la plus grande partie du tympan, tout le haut du pignon. »